Grandeur et décadence d’André Plumey

L’illustré, Culture, Document, 03.05.1995

On avait presque fini par l’oublier, après les épopées de Werner K. Rey, Patrick Wavre, Jean Dorsaz et quelques autres. Et voilà qu’André Plumey se rappelle aujourd’hui à notre bon souvenir. Par le biais d’un livre, écrit par son avocat bâlois, Me Peter Zihlmann: L’affaire Plumey, la justice en jeu.

Tous les ingrédients d’une bonne histoire sont réunis dans la vie tumultueuse du financier jurassien, auteur, on s’en souvient, d’une gigantesque escroquerie de près de 200 millions de francs: la double vie, les millions de dollars, les puits de pétrole texans, la jet set, l’arnaque, la cavale au Canada, le mariage blanc, la prison…

Nourri de ses nombreuses conversations avec le personnage, Peter Zihlmann en a tiré un thriller haletant, émaillé de nombreuses anecdotes, qui se lit comme un roman. Tout y est, ou presque: de l’enfance du futur aigrefin dans un village d’Ajoie où il rêvait d’être un grand acteur aux salons feutrés de la jet set bâloise qu’il côtoyait avec panache du temps de sa splendeur, jusqu’aux geôles inhospitalières de Rio de Janeiro qui mettront fin à sa cavale.

On ne peut s’empêcher de voir dans ces pages, bien que l’auteur s’en défende, un plaidoyer en faveur d’André Plumey, toujours «victime», à l’en croire, de la confiance qu’il plaçait chez autrui… La deuxième partie du livre est par ailleurs un véritable réquisitoire contre la justice bâloise, coupable, aux yeux de l’avocat, de tous les péchés.

Il subsiste des parts d’ombre dans la trajectoire d’André Plumey que Peter Zihlmann escamote à dessein? ou n’éclaire en tout cas pas: ainsi, par exemple, les investisseurs grugés à Montréal par Plumey qui avait repris du service sous le nom de Jean Michel Trincano n’apparaissent pas dans son récit est il bon de rappeler que certains d’entre eux, ruinés, se sont suicidés? ni même l’homosexualité du financier (l’une des explications de son véritable pouvoir de séduction sur les investisseurs), à peine suggérée. Pas un mot non plus, par exemple, de la rocambolesque opération de commando que comptait mener le procureur Helber pour «enlever» Plumey dans un guet-apens aux USA…

Après ce livre haletant, à quand le film? C’est certain: Plumey lui même y tiendrait admirablement son propre rôle…

Arnaud Bédat